Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Vitraux de la chapelle du château de Meillant

CARTEL

Artistes
Date de réalisation
≈ 1510 - 1525
premier quart du XVIe siècle
Matériaux
Verre, Peinture, Plomb
Dimensions
hauteur = 2.6 m, largeur = 1.3 m
Lieu de conservation
  • Meillant, Centre-Val de Loire, France
    Chapelle du château

 

Vitraux de la chapelle du château de Meillant

NOTICE

Les cinq verrières de la chapelle du château de Meillant représentent dix scènes de la Passion du Christ et sont l’œuvre d’un artiste de la vallée de la Loire dont la culture visuelle renvoie vers la production tourangelle du début du XVIe siècle. On y distingue l’héritage de Jean Fouquet dans des compositions aérées issues de l’assimilation de la peinture flamande. C’est toutefois parmi les œuvres de ses successeurs Jean Bourdichon et Jean Poyer qu’il faut chercher les modèles du concepteur de ce cycle. L’essentiel des figures du Baiser de Judas, du Portement de Croix, de la Crucifixion, de la Pietà et de la Mise au tombeau se retrouvent dans de nombreux manuscrits et panneaux peints par ces artistes et leurs cercles autour de 1500. On y distingue parfois des emprunts jusque dans les visages bien que la plupart des morphotypes semblent propres à cet ensemble resté isolé. Au-delà de la leçon fouquetienne, ces verrières témoignent de l’intérêt porté par les artistes de la Loire envers les modèles italiens sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII, ici particulièrement visibles dans une partie de l’ornementation des armures, de l’architecture et du mobilier. Plusieurs figures à la gestuelle et aux visages plus expressifs pourraient cependant indiquer une connaissance des inventions germaniques dont la diffusion s’accentue en France autour de 1510 à travers l’estampe d’Albrecht Dürer et de Lucas Cranach.

Du point de vue technique, le peintre verrier modèle drapés et carnations à l’aide de fins traits de grisaille formant un réseau de hachures dense. Bien que plus graphique, le résultat n’est pas particulièrement éloigné des solutions formelles adoptées à Bourges par Jean Lécuyer au début des années 1520, mais également par les verriers de Touraine à l’image du Saint Jacques de Ballan-Miré (église Saint-Venant, baie 7), réalisé à partir du modèle de Jean Poyer. L’utilisation d’un verre aux couleurs saturées offrent à l’ensemble de forts effets de contraste encore accentués par le jaune d’argent appliqué en ton local. Ces interventions définissent la chevelure et la pilosité de plusieurs figures, en particulier du Christ, et mettent en évidence l’ornementation des tenues et des objets ainsi que certaines décorations de l’architecture. Des entrelacs végétaux ont été peints à la grisaille sur le verre de plusieurs robes, sans que l’on puisse reconnaître avec certitude l’utilisation d’un pochoir. Enfin, il faut noter l’omniprésence de la sanguine qui met en évidence les chairs ainsi que plusieurs éléments de l’architecture et les distinguent fortement des verres colorés et saturés des drapés et de la blancheur du décor.

L’ensemble a subi une importante restauration, en 1843, lors des travaux de réaménagement du château menés par l’architecte Louis Lenormand. Cette intervention semble avoir largement altéré les têtes de lancettes et remplacé le premier registre (aux armoiries modernes). Le cycle des scènes de la passion est néanmoins remarquablement conservé et présente un nombre restreint de pièces de verre modernes.

La persistance du modèle tourangeau jusqu’au milieu des années 1520, à travers des personnalités comme le Maître des Heures de Claude de France ou encore Jean Pichore, mais également à Bourges comme en témoigne la verrière Coppin de la cathédrale (cathédrale Saint-Étienne, baie 46) rend difficile une datation précise de cet ensemble. L’hypothétique chronologie de la construction du château de Meillant et sa chapelle n’interdit pas une commande, autour de 1510, de la part du seigneur de Meillant : Charles II Chaumont. À la suite de son décès en 1511, son épouse Jeanne Malet de Graville a pu également poursuivre la décoration de la chapelle, à moins qu’il ne s’agisse d’une commande de leur fils Georges III de Chaumont mort à Pavie en 1525. De nombreux éléments d’ordres vestimentaires plaident toutefois pour une datation haute autour de 1510.

La chapelle n'est jamais citée dans les arrêtés de protection concernant le château (qui a été inscrit à l’inventaire supplémentaire le 2 mars 1926, les façades et les toitures ayant par la suite été classées Monuments historiques le 4 avril 1963).


Bibliographie :

Dumolin Maurice, « Le château de Meillant », Congrès archéologique de France. XCIVe session (Bourges, 1931), 1932, p. 154-174.

Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire : Corpus vitrearum, France, recensement des vitraux anciens de la France, 2, sous la dir. de Louis Grodecki, Françoise Perrot et Jean Taralon, Paris, CNRS, 1981, p. 194-195.

Gatouillat Françoise, Kurmann-Schwarz Brigitte, Leproux Guy-Michel, « Notices des vitraux conservés au Musée du Berry et à l'Agence des bâtiments de France du Cher », L'art du peintre-verrier : vitraux français et suisses, XVIe et XVIIe siècle, catalogue de l'exposition sous la dir. de Françoise Gatouillat et Guy-Michel Leproux, Bourges, Le Parvis des Métiers, 28 mai-28 décembre 1998, Bourges, Chambre des Métiers du Cher, 1998, p. 28.

Elsig Frédéric, « III. De Louis XII à Henri II », Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, sous la dir. de Frédéric Elsig, Cinisello Balsamo, Milan, 2018, p. 167-173.

Rafaël Villa, « Le chantier du château de Meillant et ses vitraux », Peindre à Bourges aux XVe et XVIe siècles, sous la dir. de Frédéric Elsig, Cinisello Balsamo, Milan, 2018, p. 167-173.

Sources en ligne :

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/IM18000290

http://www2.culture.gouv.fr/documentation/memoire/HTML/IVR24/IM18000290/index.htm


Par Rafaël Villa Le 02.02.2021