Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Vitrail de l'église Saint-Vincent de Cour-sur-Loire - baie 5

CARTEL

Commanditaires
Date de réalisation
≈ 1510 - 1515
premier quart du XVIe siècle
Iconographie
  • Légende des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle
Matériaux
Verre, Peinture, Plomb
Dimensions
hauteur = 4.5 m, largeur = 2.8 m
Lieu de conservation
  • Cour-sur-Loire, Centre-Val de Loire, France
    Église Saint-Vincent

 

Vitrail de l'église Saint-Vincent de Cour-sur-Loire - baie 5

NOTICE

Composé de trois lancettes trilobées et d'un tympan à sept ajours, ce vitrail a probablement été offert par une confrérie de Saint-Jacques, et par Jacques Hurault en tant que membre de cette même confrérie. Ses caractéristiques stylistiques et techniques la rattachent à l’œuvre du « Maître de saint Jacques » (Riviale, 2007), auquel appartiennent aussi les baies 1, 2 et 6.

La verrière a été entièrement recomposée et complétée par le cartonnier A. Steinheil et le peintre verrier A.-L. Bonnot en 1894 sur la base des rares fragments subsistants (têtes de lancettes et tympan), aujourd’hui décelables uniquement par la critique d’authenticité en l’absence de tout document photographique antérieur à la restauration, et conformément à la version du miracle de La légende dorée par J. de Voragine (Riviale, 1996, 1998, 2007, 2015). Elle fut restaurée une seconde fois après la dépose générale de 1944 par J.-J. Gruber, et remontée en 1950. La verrière est demeurée dans un assez mauvais état de conservation. La plupart des verres bleus et pourpres sont salis et corrodés. Des micro-organismes sont visibles sur la pièce figurant la tour du clocher. La grisaille est parfois en très mauvais état : ainsi le visage du garde à la toque verte (sc. III) est-il quasiment effacé. De même, le personnage du père endormi (sc. II) est-il très endommagé. Les pièces sont tissées de plombs de casse.

Cette verrière illustre la Légende des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, en partie conforme, depuis 1984, à la version qu’en donne Jacques de Voragine dans la Légende dorée au chapitre de saint Jacques le Majeur (Voragine, 1967, t. I, p. 476–77). Elle suivait sans doute, à l’origine, une autre version plus répandue et illustrée par d’autres vitraux en France (12 recensés), selon laquelle une jeune servante, éconduite par le fils des pèlerins, se vengeait en cachant une coupe d’argent dans ses effets pour le faire accuser de vol et le condamner à la potence. Miraculeusement secouru par saint Jacques, le pèlerin demeurait sain et sauf jusqu’au retour de ses parents. Ceux-ci, accourant chez le juge pour le faire dépendre, se heurtaient à son incrédulité. Désignant deux volailles rôtissant sur la broche, le mauvais juge déclarait que le jeune homme était aussi vivant qu’elles. À peine avait-il parlé que les volailles se mettaient à chanter. Aussi dépendait-on le fils et punissait-on la véritable coupable (Acta Sanctorum, tome VI de juillet, p. 46 ; Vielliard, 1963, p. 133-140).

La légende est narrée en six tableaux répartis sur deux registres. Chaque tableau compte deux panneaux. Un même édicule, composé de doubles pilastres à candélabres et chapiteaux d’inspiration corinthienne supportant une arcade en anse de panier surmontée d’une frise tenant lieu d’entablement, sert d’encadrement à chacune de ces scènes. L’ordre des scènes a été modifié par A. Steinheil en 1894. Dans les écoinçons, des médaillons à profils d’empereurs, dont trois seulement sont authentiques, portent des légendes en majuscules romaines : sc. 1, gauche : INPERATOR (I ?)VLIVS CESAR (authentique) ; sc. 1, droite : MARCVS AURELIVS ANTONINVS ; sc. 2, gauche : TIBERIVS CLAVDIVS COESAR ; sc. 2, droite : CAIVS COESAR AVGVSTVS IMP. ; sc. 3, gauche : INPERATOR VESPASIANVS ; sc. 3, droite : IMP. CF CONSTANTINVS ; sc. 4, gauche : IVLIVS CESAR IN(PERA)TOR (lacunaire, authentique) : sc. 4, droite : TVRCOTVS ROSSARDINVS (copie d’après l’original ?) ; sc. 5, écoinçon de gauche : sc. 5, gauche : RAMINAGROBIS INPE(RATOR) (abrégé, authentique) ; sc. 6, gauche : DOMITIANUS FLAVIVS TITVS sc. 6, droite : AGRIPPA pro. VIPSANVS (copie d’après l’original ?). Sur ces médaillons et le sens du nom Raminagrobis, voir l'étude de Laurence Riviale (1998 et 2015). La lecture de la verrière recomposée par A. Steinheil se fait de gauche à droite en partant du registre inférieur (pour le sens originel, voir : Riviale, 1998 et 2015).

La première scène (sc. I) du registre inférieur montre l'arrivée des pèlerins à l’auberge (à l’origine, chez le mauvais juge, miracle des coqs rôtis revenant à la vie, scène VI). Un couple de pèlerins (enseignes de pèlerinage sur les chapeaux, geste de surprise de la femme, qui lève les yeux au ciel) fait face à deux hommes, l’un enturbanné, en pourpre, l’autre coiffé d’un chapeau jaune, vêtu d’une robe bleue à chaperon vert, et de chausses pourpres, portant une dague à fourreau rouge damasquiné à la ceinture. À gauche est figurée une cheminée où flambe un feu. Une servante accroupie en rouge et vert auprès du foyer désigne la broche et lève les yeux au ciel (partie supérieure de la cheminée et plafond restaurés). La seconde scène (sc. II) représente l’hôtelier (tête restaurée ; à l’origine, la servante) cachant une coupe d’argent dans les bagages des pèlerins pendant leur sommeil pour les faire accuser de vol et profiter de leur biens. Cette scène a été recomposée par A. Steinheil, à partir des trois têtes des pèlerins et d’un fragment de rideau retroussé. Le lit à couverture bleue devant lequel est placé un banc jaune (restauré). Vêtements jaune, rouge, pourpre, posés sur un coffre à l’arrière-plan (restauré). Chapeau jaune de l’hôtelier (restauré). Rideaux et muraille peints à la grisaille gris sale sur le verre blanc. La troisième scène figure l'Arrestation du jeune pèlerin (tête restaurée). La scène se passe devant la façade sud d’une église (toit restauré). Le jeune homme est vêtu d’un pourpoint bleu et de chausses rouge sombre. Il est encadré d’un garde coiffé d’un chapeau vert émeraude, à gauche, vêtu d’une robe pourpre, et d’un homme en vert sombre, à chausses mauves (restauré). À l’arrière-plan, un autre garde - ou un juge ? - porte une toque rouge et un col de fourrure. Le couple de pèlerins se tient à l’arrière-plan, à gauche. La quatrième scène (sc. IV) du registre supérieur montre la pendaison du jeune pèlerin : les parents, de retour de pèlerinage, retrouvent leur fils vivant car soutenu par saint Jacques (restauré). La cinquième scène représente la scène du miracle : le pendu est soutenu par saint Jacques (restauré). Les personnages se détachent sur le ciel bleu. Le bourreau porte des chausses pourpres et un gilet rouge ; saint Jacques est en pourpre et jaune ; foule bigarrée. La dernière scène (sc. VI) figure la dépendaison et l'action de grâces. Punition de l’hôtelier (à l’origine, exécution de la servante). Le groupe des pèlerins, à droite, est restauré. Sur un fond de ciel bleu, se détachent, à gauche, un homme en robe rouge vermillon, de trois-quarts dos, faisant face à un garde au béret rouge ; une potence traitée à la grisaille rousse devant laquelle se tient un bourreau aux chausses rouges ; une foule parmi lesquels on distingue des cavaliers dans le lointain (grisaille et jaune d’argent).


Sources graphiques :

Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)

Arch. phot. de la Dir. du Patr., clichés 213 806-810, 814, 834, (Baie A), ap. rest., Estève, 1950 (photomontages panneau par panneau), tirages à la MAP, Paris - reproduction de ces photomontages, MH 55 N 68 (Baie A) (Graindorge, 1955).

Blois, Archives départementales de Loir-et-Cher

Fonds Lesueur, Plaques de verre, 9 Fi 2314 P (s.d., vers 1919-22).

Orléans, Inventaire du Centre

Marius Hermanowicz, 1996 : 96. 41. 19. V, 20 VA - 96. 41. 21 X, 22 XA - 96. 41. 23 X, 24 XA - 96. 41. 25 X, 26 XA - 96. 41. 27 X, 28 XA - 96. 41. 31 X, 32 XA - 96. 41. 29 X, 30 XA.

Sources manuscrites :

Blois, Archives départementales de Loir-et-Cher

74 N, enquête diocésaine du 17 mars 1846.

9 T 14, et O 69 06 3, devis de l’architecte de Baudot du 8 sept. 1888, certifié par le préfet le 5 oct. 1894.

F 2137, fonds Lesueur, Dr. Frédéric LESUEUR, monographie de l’église de Cour-sur-Loire, Manuscrit. s.d., vers 1919-1922, p. 13-14.

Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)

Dossiers de restauration Cour-sur-Loire, 1200 n° 1 et 2, et dossier « Contrôle des travaux » n° 4049.

4° DOC 8, RAYON (E.), Inventaire des vitraux du Département de Loir-et-Cher, 1924, pl. 3 / 233 à pl. 25 / 255.

Paris, Bureau des objets mobiliers (en 1995)

Dossier Cour-sur-Loire, lettre d’Henri Bretonneau du 22 mars 1846.

Bibliographie :

Laurand Jules, « Vitraux de Cour-sur-Loire » Bulletin de la Société Archéologique de l’Orléanais, tome II, bull. n° 16, 1er trimestre, séance du 27 janvier 1854, p. 21.

Dupré Alexandre, s. d., vers 1868-69, Ms. B.M. Blois 339 11d.

Dupré Alexandre, « L’église de Cour-sur-Loire », Semaine Religieuse de Blois, 1ère année, 1871-1872, p. 797.

Dupré Alexandre, « Cour-sur-Loire », Revue de Loir-et-Cher, Blois, 1898, p. 293.

Garreau abbé L.E., Cour-sur-Loire, son église, sa châtellenie, son histoire, Paris, Honoré Champion, 1913, p. 4 et 5.

Aubert Marcel, Le vitrail en France, Paris, Larousse, 1946, p. 104.

Réau Louis, Iconographie des saints, t. III, Paris, PUF, 1955, p. 700.

Vielliard Jeanne, Le guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, Mâcon, Protat frères, 1963.

Lesueur Dr. Frédéric, Les églises de Loir-et-Cher, Paris, A. J. Picard, 1969, p. 143.

Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire : Corpus vitrearum, France, recensement des vitraux anciens de la France, 2, sous la dir. de Louis Grodecki, Françoise Perrot et Jean Taralon, Paris, CNRS, 1981, p. 142.

Riviale Laurence, Les verrières de l’église paroissiale Saint-Vincent de Cour-sur-Loire (Loir-et-Cher), Mémoire de maîtrise d’histoire de l’art moderne, sous la dir. de Claude Mignot et Michel Hérold, Tours, Université F. Rabelais, [1996], p. 40-61 et 123-125.

Riviale Laurence, « Les verrières du XVIe siècle consacrées à la légende du “Pendu-Dépendu” : nouvelles informations iconographiques », Histoire de l’Art, n° 40-41, mai 1998, p. 113-125.

Riviale Laurence, « Fouquet après Fouquet : “enluminure du Val de Loire” et peinture sur verre », Revue de l’Art, n° 156, 2007-2, p. 45-54. 

Riviale Laurence, « The Raminagrobis Enigma in a 16th Century Window beside the river Loire », Vidimus, Vidimus.org, online magazine devoted to stained glass, issue 89, March 2015, ISSN 1752- 0741, http://vidimus.org/issues/issue-89/.

Sources en ligne :

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM41000175

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098426

http://vidimus.org/issues/issue-89/


Par Laurence Riviale Le 20.01.2021