Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Vitrail de l'église Saint-Vincent de Cour-sur-Loire - baie 1

CARTEL

Artistes
Commanditaires
Date de réalisation
≈ 1500 - 1519
premier quart du XVIe siècle
Iconographie
  • Crucifixion
Matériaux
Verre, Peinture, Plomb
Dimensions
hauteur = 4.5 m, largeur = 2.8 m
Lieu de conservation
  • Cour-sur-Loire, Centre-Val de Loire, France
    Église Saint-Vincent

 

Vitrail de l'église Saint-Vincent de Cour-sur-Loire - baie 1

NOTICE

Composé de trois lancettes trilobées et d'un tympan à dix ajours, ce vitrail a été offert par Jacques Hurault, trésorier général des finances de Louis XII et de François 1er ( ? - 1519), seigneur de Cour-sur-Loire de 1490 environ à 1519, date de sa mort. Ses armes, « d’or à la croix d’azur cantonné de quatre ombres de soleil, de gueules », chargées en chef d’une coquille saint Jacques, sa brisure de cadet, figurent sur l’écu conservé dans le panneau 1a. Elles permettent d’avancer une datation moyenne de 1510-1519, que confirment style et iconographie. Cette verrière doit être classée à part, soit qu’elle demeure le seul témoignage à Cour de l’art d’un atelier non documenté par ailleurs, soit qu’elle apparaisse comme un exemple unique d’une tendance particulière de l’atelier responsable des baies 2, 5 et 6.

Le vitrail occupait à l’origine la baie d’axe (baie 0), dont les remplages, visibles à l’extérieur, sont identiques à ceux de la baie 2. Au XVIIe siècle, la construction d’un retable surmonté d’une gloire de bois sculpté et doré entraîna la translation du vitrail de la baie d’axe dans les baies voisines. Lancettes et tympan prirent place dans deux baies différentes. Les anges des mouchettes, porteurs des instruments de la Passion, qui ne coïncidaient pas avec les ajours de la baie 1, furent transférés dans le réseau de la baie 2, où ils demeurent aujourd’hui. Les panneaux des lancettes furent remontés dans la baie 1, à la faveur d’un vitrage soit inexistant, soit fragmentaire. Cette baie est encore comblée sur la hauteur d’un panneau, dans toute la largeur de la partie inférieure. Le registre inférieur, masqué par le retable, est invisible d’en bas. Entre 1912 et 1914, ce vitrail et la baie 2 firent l’objet d’un projet de restauration demeuré inabouti. Très détérioré en 1914, jamais décrit avant 1920, il ne fut restauré qu’à l’occasion de sa dépose par Gruber en 1944. Peu nombreuses et discrètes, les restitutions concernent essentiellement le perizonium, le chapiteau de gauche, et la main gauche du Christ (panneau 4c). Le restaurateur le remonta en 1950. L’analyse de la photographie avant restauration (v. 1913, photo MH 143 253) révèle que les macédoines du tympan et des têtes de lancettes n’ont subi aucune modification. En revanche, Gruber a rétabli certains panneaux dans leur position première, grisaille à l’intérieur. C’est le cas des panneaux 1b et 2b. Les robes de saint Jean et de la Vierge, parsemées de bouche-trous, ont été rapiécées par Gruber et consolidées par de nombreux plombs de casse.

À la représentation traditionnelle de la Crucifixion s’ajoutent quatre anges en vol recueillant le sang des plaies du Christ. Cette iconographie s’explique par la croyance aux anges psychompompes chargés de recueillir l’âme des morts, et doit sa popularité à sa valeur prophylactique ; elle est liée à la dévotion au Précieux Sang et aux Cinq Plaies du Christ, qui se développa à partir du XIVe siècle et persista jusque dans les premières années du XVIe, à la faveur des épidémies de peste qu’elle était censée écarter. La grisaille, en très mauvais état, est presque complètement effacée sur le visage de saint Jean. Le verre du visage de la Vierge, rayé au cours des nettoyages successifs, à l’outil ou au sable, est altéré ; dans les cratères ont proliféré des micro-organismes. Des traces d’impacts et des brisures en étoile  sont décelables (aisselle gauche du Christ, macédoine de la tête de lancette de gauche). Le jaune d’argent, mal maîtrisé à la cuisson, a souvent débordé des limites qui lui avaient été assignées (calice de l’ange psychopompe recueillant le sang du côté, tache sur le perizonium,  la cuisse, etc.). 

La surface du tympan et des têtes de lancettes présente une composition en macédoine. Au centre de la tête de lancette médiane figure une large pièce carrée, peinte à la grisaille et au jaune d’argent, élément de vitrail civil utilisé en bouche-trou, représentant la Prédication de saint Jean-Baptiste (datable vers 1550-1560). Dans un format rectangulaire en hauteur, la composition des deux lancettes s’organise suivant un axe de symétrie rigoureux : le Christ en croix, sur l’axe vertical médian, est flanqué de Marie, debout, mains jointes, et de Jean, qui tenait probablement de la main droite un volumen, et de la main gauche désignait peut-être le Sauveur (respectivement lancette de gauche, à la droite du Christ, et lancette de droite, à la gauche du Christ). Leurs positions à peu près semblables, très statiques, où seule l’attitude des mains varie, suggèrent que le peintre-verrier a pu utiliser les contours d’un même carton, en le retournant. La Vierge et saint Jean lèvent les yeux vers le Christ, dont les paupières baissées traduisent la souffrance. Quatre anges, qui recueillent le sang des plaies du Christ, introduisent variété et dynamisme dans la composition. L’examen attentif du vitrail révèle des larmes sur les joues de Marie. Les personnages s’inscrivent sur un damas blanc. La composition est contenue dans un encadrement d’architecture dont les pilastres, caractéristiques de l’architecture lombarde et de la première Renaissance française, ne supportent aujourd’hui aucun entablement. Leurs chapiteaux, d’inspiration corinthienne, sont l’œuvre de Gruber, qui s’est inspiré du contour général du bouche-trou qui les remplaçait ; néanmoins, leur fût marbré à décor de rectangles enserrant un disque, en atteste le style d’origine. Dans les panneaux inférieurs des lancettes latérales (1a et 1c), s’inscrivant sur les robes de saint Jean et de la Vierge, figurent deux fois les armes des Hurault. La croix d’azur de l’écu de gauche est chargée en chef d’une coquille.

Cette verrière se distingue par une technique soignée. Les auréoles rayonnantes de la Vierge et de saint Jean constituent une sorte de raffinement technique. Il s’agissait à l’origine de deux pièces de verre blanc plaqué de rouge en forme de croissant, gravées à l’outil, les perles étant exécutées au trépan. Aujourd’hui fragmentées, elles sont consolidées par des plombs de casse. Les ombres de soleil « de gueules » des armes des Hurault, sont montées en chef-d’œuvre dans les pièces jaunes de l’écusson. Un procédé du même ordre a été mis en œuvre pour insérer la pièce blanche de la coquille en chef de la croix d’azur. Le damas a été exécuté au pochoir sur la face externe du verre. Les veinures du marbre des pilastres ont été peintes à la grisaille rousse, sans doute très mélangée de sanguine, mais le sang du Christ est rendu tantôt par le jaune d’argent (ange de la lancette de gauche), tantôt par un faisceau de traits enlevés à l’aiguille dans le lavis de grisaille (autres anges). Deux très grandes pièces ont suffi pour dessiner le corps du Christ, de même pour les jambes. Sans doute les manteaux de saint Jean et de la Vierge étaient-ils, à l’origine, constitués de larges pièces rouges et bleues.


Sources graphiques :

Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)

Arch. phot. de la Dir. du Patr., clichés MH 143 253 (Av. rest., Barbillat, état avant 1940) - photomontage panneau par panneau (baie B), MH 213812 ;  213811 ; 213815 ; 213816 ; 213817 (apr. rest. Gruber, Estève, 1950, tirage à la MAP, Paris) - reproduction de ce photomontage, 55 N 69, apr. rest. Gruber 1950, (Graindorge, 1955). - MH 213 799 (av. rest., Estève 1949) - MH 234 538 (apr. rest. Gruber 1946-1950). 

Orléans, Inventaire du Centre

Marius Hermanowicz, 1996 : 96. 41. 1 V, 2 VA - 96. 41. 5 V, 6 VA (baie 2, avec tympan) - 96. 41. 3 X, 4 XA - 96. 41.3 X, 4 XA (bouche-trou, fort agrandissement).

Sources manuscrites :

Paris, Bibliothèque nationale de France

Cabinet des titres, Département des manuscrits, Carré d’Hozier 347, f° 258 r°, titre de Hurault du 11 déc. 1578 (date de la mort de Jacques Hurault).

Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)

Paris, dossier Cour-sur-Loire, rapport du 20 nov. 1912, devis approuvé le 19 juil. 1913.

Dossier de restauration 1200 n° 2, et dossier « contrôle des travaux » n° 4049 ( « Mémoire de vitraux » du 10-05-1946, par Jean-Jacques Gruber).

4° DOC 8, RAYON (E.), Inventaire des vitraux du Département de Loir-et-Cher, 1924, pl. II / 232 et 26 / 256.

Blois, Archives départementales de Loir-et-Cher

9 T 14, correspondance relative au projet inabouti de restauration de 1912-13.

F 2137, fonds Lesueur, Dr. Frédéric LESUEUR, monographie de l’église de Cour-sur-Loire, Manuscrit. s.d., vers 1919-1922.

Bibliographie :

Laurand Jules, « Vitraux de Cour-sur-Loire » Bulletin de la Société Archéologique de l’Orléanais, tome II, bull. n° 16, 1er trimestre, séance du 27 janvier 1854, p. 21.

Dupré Alexandre, s. d., vers 1868-69, Ms. B.M. Blois 339 11d.

Garreau abbé L.E., Cour-sur-Loire, son église, sa châtellenie, son histoire, Paris, Honoré Champion, 1913, p. 3 et 7. 

Pilté Edmond, Répertoire archéologique des édifices religieux du diocèse actuel de Blois et des Monuments civils du département de Loir-et-Cher à partir du Moyen Âge, Saint-Dizier, A. Bruliard, 1931, p. 90.

Deshoulieres François, « Cour-sur-Loire », Congrès Archéologique 1925, LVXXXVIIIe session, Paris, A. J. Picard, 1926, p. 541.

Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire : Corpus vitrearum, France, recensement des vitraux anciens de la France, 2, sous la dir. de Louis Grodecki, Françoise Perrot et Jean Taralon, Paris, CNRS, 1981, p. 142.

Riviale Laurence, Les verrières de l’église paroissiale Saint-Vincent de Cour-sur-Loire (Loir-et-Cher), Mémoire de maîtrise d’histoire de l’art moderne, sous la dir. de Claude Mignot et Michel Hérold, Tours, Université F. Rabelais, [1996], p. 117-119.

Sources en ligne :

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098426

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM41000175

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/AP55N00069?mainSearch=%22cour-sur-loire%20crucifixion%22&last_view=%22list%22&idQuery=%22e7cb7-d4ea-52c-0f7c-32ee126fcd3%22

 


Par Laurence Riviale Le 18.01.2021