Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Diptyque de Melun

CARTEL

Artistes
Date de réalisation
≈ 1452 - 1455
deuxième tiers du XVe siècle
Iconographie
  • Vierge à l'Enfant
  • Portrait
Matériaux
Bois de chêne
Dimensions
hauteur = 120 mm, largeur = 224 mm
Lieu de conservation
  • Anvers, Région Flamande, Belgique
    Musée Royal des Beaux-Arts Inv. 132
  • Berlin, Berlin, Allemagne
    Staatliche Museen, Gemaeldegalerie Inv. 1617

 

Diptyque de Melun

DATATION

La datation de l'oeuvre autour de 1450-1455 est fondée sur plusieurs critères historiques et techniques. Etienne Chevalier y est représenté seul ce qui correspond à son veuvage datant de 1452. C'est à cette même date qu'il est nommé chancelier de France. Né vers 1410, il a alors une quarantaine d'années. Les analyses dendrochronologiques des panneaux de chêne ont permis de déterminer une date d'abbatage la plus ancienne en 1446 ce qui correspondrait à son utilisation, après séchage, aux alentours de 1456. La composition de la Vierge d'Anvers se retrouve sous le portrait de Charles VII dont la datation, discutée, est située entre 1444 et 1461.

PROVENANCE

Le diptyque, commandé par Etienne Chevalier, trésorier de Charles VII, était autrefois conservé dans la collégiale Notre-Dame de Melun. Démembré, ses panneaux sont aujourd'hui répartis entre la Gemäldegalerie de Berlin (Volet gauche, Etienne Chevalier présenté par saint Etienne) et le musée royal des Beaux-Arts d'Anvers (volet droit, La Vierge à l'Enfant trônant entourée de chérubins).

NOTICE

Le Diptyque de Melun est composé de deux volets aujourd’hui dispersés entre Anvers et Berlin. Il était ceint à l’origine d’un cadre de velours bleu brodé d’or, d’argent et de perles et orné de médaillons de cuivre émaillés d’or dont un seul exemplaire est aujourd’hui conservé (Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art). Cette œuvre majeure de la peinture tourangelle a été commandée à Jean Fouquet par Étienne Chevalier (v.1410-1474) entre les années 1452 et 1455. Originaire de Melun et d’extraction bourgeoise, celui-ci mena une brillante carrière au service des rois Charles VII et Louis XI. Successivement secrétaire du roi, maître de la Chambre des comptes puis contrôleur des recettes, Étienne Chevalier fut nommé Trésorier de France en 1452. Il fut également l’un des membres du conseil royal jusqu’à sa mort en 1474. Sa proximité avec Charles VII est attestée par le fait qu’il fut l’exécuteur testamentaire de sa maîtresse, Agnès Sorel (†1450), puis celui du souverain lui-même. Le diptyque était destiné à la collégiale Notre-Dame de Melun dans laquelle il fut conservé jusqu’en 1773, date de son démembrement. Il accompagnait la sépulture d’Étienne Chevalier et celle de son épouse Catherine Budé, morte en 1452.

Le volet droit représente la Vierge à l’Enfant trônant entourée de séraphins (rouge) et de chérubins (bleu). Parée d’une couronne ornée de pierreries et de perles et d’un long manteau blanc doublé d’hermine, Marie, les yeux baissés vers l’Enfant, est serrée dans une étroite robe grise dont le corsage en partie délacé dévoile un sein à la rondeur parfaite. Jésus aux jambes couvertes d’un voile transparent est tourné vers le panneau de gauche. Il regarde et pointe du doigt Étienne Chevalier en prière, accompagné de son saint patron Étienne. Celui-ci, la main droite posée sur l’épaule du commanditaire, tient de la gauche un livre à la couverture rouge et clôt par deux fermoirs d’or sur lequel est posé une pierre aux arêtes tranchantes, instrument de son martyre. La lapidation du saint est à nouveau évoquée par les gouttes de sang qui coulent de son crâne jusqu’à l’intérieur de son col.

Les deux volets frappent par leurs différences tant dans le traitement de l’espace que des volumes. La Vierge et l’Enfant aux corps d’une blancheur immaculée semblent être taillés dans du marbre alors que les séraphins paraissent en bois laqué de rouge tant leur surface est luisante. Cette irréalité des corps est accompagnée par une absence d’espace puisque le fond du panneau est uniformément bleu et que toute sa surface est occupée par les différents personnages. Jean Fouquet évoque ainsi un lieu divin, hors du temps et de la spatialité terrestre. Sur le volet gauche Étienne Chevalier et saint Étienne se tiennent au contraire dans une architecture à échelle humaine construite suivant les règles de la perspective mise au point en Italie, où Fouquet séjourna dans les années 1440   (Avril 2003, p. 126-127), et exploitant un vocabulaire à l’antique appartenant au lexique formel de la première Renaissance florentine (placages de marbre, décor de feuilles d’acanthe) . Les deux panneaux sont toutefois unifiés par l’attention que porte Jean Fouquet au rendu des différents matériaux (marbre, onyx) et des matières (tissus, brocards, perles) et par la lumière qui, comme le révèle la fenêtre qui se reflète dans les boules d’onyx du trône, provient de la gauche de l’œuvre.

La singularité de la Vierge à l’Enfant, dont le type physique fut repris tant en peinture qu’en sculpture dans les années qui suivirent, tient également au fait que ses traits évoquent ceux d'Agnès Sorel, la maîtresse royale dont Étienne Chevalier était l’un des proches. L’œuvre est donc, en plus d’un traditionnel diptyque de dévotion, un hommage plus personnel du commanditaire faisant peut-être écho à la commande par le roi en 1450 de deux splendides tombeaux en l’honneur de la dame de Beauté à l’abbaye de Jumièges et à Notre-Dame de Loches (Avril 2003, p. 129).  

Bibliographie :

France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance, catalogue de l’exposition du Grand Palais de Paris du 6 octobre 2010 au 10 janvier 2011, Paris, éditions de la RMN, 2010, cat. 13.

Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, sous la direction de François Avril, catalogue de l’exposition de la BnF du 25 mars au 22 juin 2003, Paris, BnF, Hazan, 2003, cat. 7 et 8.

 


Par Pascale Charron Le 14/12/2022
  • Autoportrait de Jean Fouquet
    Artistes
    Catégories
    Orfèvrerie
    Date de réalisation
    1452 - 1455
    XVe siècle
    Matériaux
    Cuivre, email
    Lieu de conservation
    • Paris
      Musée du Louvre Département des Objets d’art
  • La Sainte Parenté de la Vierge de Baugy
    Catégories
    Sculpture
    Date de réalisation
    ≈ 1462 - 1470
    Matériaux
    Pierre, polychromie
    Lieu de conservation
    • Baugy, Centre, France
      église Saint-Martin

    La figure centrale de la Vierge à l'Enfant reprend celle du panneau d'Anvers. Le corps des deux femmes possèdent les mêmes proportions si particulières : un buste court avec une poitrine fortement évasée, une taille très fine et haut placée, des hanches larges situées très bas comme les genoux qui portent le drapé du manteau étalé horizontalement. Dans les deux œuvres, la ceinture est formée par un ressaut de la jupe et est marquée d’un pli médian aux bords creusés. Le corsage ajusté sur le buste porte la marque de trois coutures, une centrale et deux latérales venant souligner la rotondité des seins. Sur le relief, la trace d’arrachement du sein droit évoque la même représentation sphérique que dans le panneau d’Anvers et l’Enfant, bien que cassé également, est placé sur le genou gauche de la Vierge où il adoptait probablement une position similaire à celle figurée sur le tableau.