Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Vitrail de l'église Saint-Pierre de Dreux - baie 1

CARTEL

Date de réalisation
≈ 1475 - 1480
quatrième quart du XVe siècle
Iconographie
  • Ange
  • Enfant Jésus
  • Dieu le Père
  • Massacre des Innocents
  • Fuite en Egypte
  • Jésus parmi les docteurs
  • Repas chez Simon
  • Noces de Cana
  • Multiplication des pains
  • Femme adultère
Matériaux
Verre, Peinture, Plomb
Dimensions
hauteur = 4.2 m, largeur = 1.2 m
Lieu de conservation
  • Dreux, Centre-Val de Loire, France
    Église Saint-Pierre

 

Vitrail de l'église Saint-Pierre de Dreux - baie 1

NOTICE

Réputé remonté ici en provenance d’une autre église, ce vitrail demeuré complet et en excellent état de conservation comprend huit scènes aux encadrements architecturaux asymétriques. Son iconographie qui s’inscrit dans le programme d’ensemble de la chapelle assure qu’il occupe sa place primitive. Faisant suite à l’histoire de la Nativité initialement figurée en baie 3, les scènes lisibles de haut en bas et de gauche à droite débutent par le Massacre des Innocents ; elles s’achèvent par le miracle de la Multiplication des pains, que suivaient en baie 0 d’autres épisodes de la Vie publique du Christ. Des inscriptions narratives en français soulignent les représentations disposées en quatre registres. La signature « PierreCourtoys » se déchiffre au deuxième registre à gauche, sur la panse de la jarre que remplit la Samaritaine.

Le brio technique du peintre verrier s’affirme non seulement dans la multiplicité des pièces de verre rouge gravé mais aussi dans l’habileté des coupes mises au service de l’individualisation des nombreux personnages et de leurs costumes. Ce travail exigeant manifeste  l’effort de transcrire fidèlement tous les détails que devaient porter les modèles graphiques. Ce qui transparaît  de la qualité de ces modèles envahis d’inscriptions, fruit d’une culture savante, renvoie au domaine de l’enluminure, et particulièrement à des manuscrits de luxe produits à Paris dans les années 1470 (par exemple le Compendium historial de Jacques d’Armagnac, BnF, fr. 9186, ou La Cité de Dieu, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms 246 ; voir F. Avril et N. Reynaud, 1993). Les modèles employés dans cette baie n’appartenaient semble-t-il pas en propre à Pierre Courtois : plaide en ce sens la reprise exacte du dessin de la Femme adultère sur deux rondels sans doute un peu plus tardifs conservés dans des collections parisiennes. Si le peintre verrier a entretenu des liens avec les peintres enlumineurs du foyer artistique parisien, tout indice manque pour localiser son atelier, et il est incertain qu’il était établi en Normandie, où il a signé vers 1471 une autre verrière conservée.

La baie 1 complète un cycle de verrières réalisées pour la chapelle de la Vierge (baies 3, 5 et 6). D’après l’historiographie, les vitraux anciens conservés dans la chapelle de la Vierge ont été exécutés au début du XVIe siècle excepté celui qui porte la signature de Pierre Courtois (baie 1), dit de la fin du XVe siècle et réputé étranger à l‘église. Emise par Jean Lelièvre en 1953, l’hypothèse selon laquelle il provient de l’église de Saint-Lubin-des-Joncherets (Eure-et-Loir) est depuis généralement admise quoique non fondée. De tout autres conclusions ressortent d’une nouvelle observation in situ étayée par la relecture des sources. Elles rejoignent l’information qu’un chanoine de Saint-Etienne de Dreux avait transmise en 1766 à son oncle Pierre Le Vieil (1774, p. 56) : « les vitraux de la chapelle de la Vierge paraissent du XVe siècle ».

La reconstruction du chevet de l’église  Saint-Pierre bénéficie d’un repère chronologique précis : une inscription apposée sur l’une des six piles du chœur (reproduite par E. Paty, 1850, p. 197) atteste leur réfection « des aumônes et bienfaits des manants de Dreux en l’an de grâce 1474 ». La conception du vitrage des chapelles du déambulatoire alors rebâties remonte donc aux années 1475-1480, en particulier celui de la chapelle axiale qui, à l’inverse de ses voisines, a gardé quelque cohérence. Ses sept fenêtres, de formes et de dimensions identiques, ont été closes d’un cycle légendaire parfaitement homogène, objet d’une même campagne. En dépit de ses altérations – perte du vitrail de la fenêtre d’axe murée jusqu’en 1857, restaurations affectant certains des autres –, le programme général mis en place avant 1480 reste clairement perceptible : chaque fenêtre est /était dotée de huit scènes lisibles de haut en bas, formant dans les six premières une suite iconographique continue consacrée à la Vie de la Vierge et à celle du Christ. Le cycle qui débute au nord avec la Conception de la Vierge (baie 5) s’achève au sud avec la Vie glorieuse du Christ (baie 4), l’ensemble étant complété à l’extrême droite par la légende de saint Fiacre (baie 6). La diversité des encadrements architecturaux adoptée dans toute la série a sans doute contribué à sa méconnaissance.

L’examen fait apparaître que la réalisation des sept verrières fut d’emblée partagée entre deux peintres verriers dont la production bien caractérisée, antérieure au chantier de Dreux, est repérée dans divers édifices du département de l’Eure. Le premier, Pierre Courtois, a laissé sa signature en baie 1 comme à l’église-de La Couture de Bernay vers 1471 – pratique à l’époque exceptionnelle, pouvant désigner un artiste extérieur au milieu local. Les analogies techniques et stylistiques que présentent avec la baie signée les baies 5 et 6 ainsi que les panneaux demeurés en place au sommet de la baie 3 assurent que Courtois en a également reçu commande. Le second est un peintre verrier installé à Evreux, sans doute Gabriel Le Fèvre, documenté dans les archives de la ville (Gatouillat, 2001) : il est l’auteur des baies 2 et 4 par comparaison avec les nombreuses réalisations qui lui sont dues entre 1465 et 1490 dans l’Eure, entre autres à la cathédrale d’Evreux et à La Madeleine de Verneuil. La commande du vitrail primitif de la baie 0 revint certainement à l’un des deux confrères – rien n’en subsiste, mais ses scènes illustrant les prémices de la Passion, conformes au programme initial, ont été restituées après 1857 par le peintre verrier de Dreux Eugène Moulin.

Au cours des années 1860, Moulin intervint aussi pour remettre en ordre et compléter les verrières de la chapelle qui le nécessitaient (baies 2, 4, 5 et 6), sans toucher la baie 1 demeurée intacte, ni la baie 3, aux lancettes remplies de fragments exogènes depuis le début du siècle si ce n’est plus tôt. Les vitraux de l’église, elle-même classée MH dès 1840, sont protégés au titre objet depuis le 17 novembre 1906. Les campagnes de restauration confiées à François Lorin entre 1933 et 1938 puis à l’atelier Hermet-Juteau en 1974 n’ont en rien modifié cet ensemble.

 


Bibliographie: 

Le Vieil Pierre, L’art de la peinture sur verre et de la vitrerie, Paris, 1774, p. 56.

Paty Emmanuel, « Histoire monumentale de Dreux », Bulletin monumental, 1850, p. 178-237 (vitraux p. 198-229).

Philippe-Lemaître Delphine, Histoire de la ville et du château de Dreux, avec une savante notice archéologique et historique sur l’église Saint-Pierre de Dreux par M. l’abbé de L’Hoste chanoine honoraire de Limoges, Dreux, 1850 (541 p.) – De L’Hoste abbé, 2e partie (61 p., vitraux p. 50-51).

Meuret abbé Joseph, Petite monographie de l’église Saint-Pierre de Dreux, Dreux, 1898 (vitraux p. 22-43).

Régnier Louis, « Saint-Pierre de Dreux et Notre-Dame de Chartres », Congrès archéologique de France, 67e session, Chartres, 1900 (Paris, Caen, 1901), p. 330-333.

Lelièvre Jean, L’église Saint-Pierre de Dreux, abrégé historique et visite du monument, Dreux, 1953 (2e éd. 1959), p. 16-18.

Lafond Jean, dans Le vitrail français, Paris, 1958, p. 217 (mention)

Lafond Jean, « Les Courtois (Robert, Pierre et Jean) et les peintres-verriers de La Ferté-Bernard », Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, 1969, p. 208-212.

Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus vitrearum France , recensement des vitraux anciens de la France, 2, sous la dir. de Louis Grodecki, Françoise Perrot et Jean Taralon, Paris, CNRS, 1981, p. 16, 58-63.

Gatouillat Françoise, « Pierre Courtois peintre verrier » AKL Thieme-Becker, vol. 21, Leipzig 1999 (non paginé)

Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum France, recensement des vitraux anciens de la France, 6, Paris, CNRS & Monum’, 2001, p. 28-33 ; p. 106, 112, 144 etc.

Gatouillat Françoise, « Les peintres-verriers au service de Louis XI », in Joubert Fabienne dir., L’artiste et le commanditaire aux derniers siècles du Moyen Âge (XIIIe-XVIe siècles), coll. Cultures et Civilisations médiévales, XXIV, Paris, 2001, p. 209-233.


Par Françoise Gatouillat Le 22.11.2021
  • Vitraux de l'église Saint-Pierre de Dreux
    Catégories
    Vitrail
    Date de réalisation
    ≈ 1450 - 1500
    seconde moitié du XVe siècle - première moitié du XVIe siècle
    Matériaux
    Verre, peinture, plomb
    Lieu de conservation
    • Dreux, Centre-Val de Loire, France
      église Saint-Pierre
  • Vitrail de l'église Saint-Pierre de Dreux - baie 3
    Catégories
    Vitrail
    Date de réalisation
    ≈ 1500 - 1550
    premier quart du XVIe siècle - deuxième quart du XVIe siècle
    Matériaux
    Verre, peinture, plomb
    Lieu de conservation
    • Dreux, Centre-Val de Loire, France
      église Saint-Pierre
  • Bernay (Eure), Notre-Dame de la Couture, baie 9 : verrière des Vertus, Pierre Courtois, vers 1471
    Bernay (Eure), Notre-Dame de la Couture, baie 9 : verrière des Vertus, Pierre Courtois, vers 1471
    Auteurs
    • Pierre Courtois