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Composée de trois lancettes trilobées et d'un tympan à sept ajours, cette verrière a probablement été offerte par les descendants de Jacques et Raoul Hurault (Jacques ou Jean, fils de Raoul), vers 1540-1550, ce que confirment les sources graphiques, des estampes par Caraglio et Marcantonio Raimondi sur des inventions de Raphaël. Cette verrière doit être rattachée au même atelier que la Nativité de la Vierge (baie 12).
Le tympan, la lancette médiane et les têtes de lancettes sont entièrement l’œuvre de A. Steinheil et A.-L. Bonnot (1886), à l’exception de quelques pièces du corps de Jésus (panneau 2b), récupérées dans la lancette latérale gauche (MAP, photo MH 6258, panneau 1 a). Le cliché MH 6258 témoigne de l’existence avant 1884 de deux panneaux anciens, deux saintes auréolées et une Pietà, aujourd’hui disparus. La verrière fut déposée par J.-J. Gruber en 1944, remise en état et légèrement remaniée lors de la restauration générale de 1946-1950. Le visage de Joseph a été copié sur un fragment de la baie 8 visible sur la photographie avant restauration (panneau 4c). Le cliché du Dr. Lesueur (vers 1920) montre quel visage A. Steinheil avait imaginé pour le même personnage, en 1886. La verrière est demeurée dans un assez mauvais état de conservation. Les micro-organismes sont proliférants et gênent la lecture de certains visages ; les panneaux sont enfoncés, les verres se déchaussent. Un panneau héraldique aux armes des Hurault (disparu) est attesté par le cliché de 1884 (MAP, MH 6258).
Cette verrière illustre la légende rapportée par Jacques de Voragine selon laquelle sainte Anne, mariée trois fois, successivement à Joachim, Cléophas son frère, et Salomas, aurait eu, outre la sainte Vierge, deux autres filles, toutes deux nommées Marie, et portant chacune le nom de leur père. « Marie Cléophas », ayant épousé Alphée, aurait engendré Jacques le Mineur, Simon, et Joseph le Juste, tandis que sa sœur, « Marie-Salomé », épouse de Zébédée, aurait eu deux fils, saint Jean l’Évangéliste et saint Jacques le Majeur. Ce thème, à rapprocher de l’Arbre de sainte Anne, dont on trouve plusieurs exemples en Normandie, est en faveur au moment des controverses sur l’Immaculée Conception et le culte de la Vierge en général (Lefebvre d’Étaples, 1518). Il a moins de succès après le Concile de Trente (Riviale, 2007, p. 149-155).
Le tympan du vitrail est une création d’A. Steinheil. Dans le registre inférieur, le même carton, retourné, a été utilisé dans les deux soufflets. Dans chaque soufflet figure un ange en pied, porteur d’une banderole ; à gauche : « le royaume du ciel est proche » ; à droite, « Partout où vous irez, prêchez ». L'ajour sommital cordiforme est composé d'un buste d’ange violoniste. Les figures se détachent sur un fond bleu.
Une lancette est consacrée à chacune des filles de sainte Anne et à leur progéniture respective. La Sainte Parenté est regroupée sous un dais d’architecture. Par méconnaissance de l’iconographie, Steinheil a cherché à représenter en putti l’ensemble des apôtres enfants. Il a donc choisi des textes appropriés pour les banderoles de ses anges du tympan. Ainsi, Marie apparaît-elle entourée, non seulement de Jésus bénissant (seules quelques pièces sont authentiques), mais encore de Pierre, Barthélemy, Thomas, et de deux « Matthieu » (restaurés), tous regroupés dans la lancette médiane et dominés par Joseph. Deux anges en vol (têtes restaurées) s’apprêtent à couronner le groupe. Autour de Marie-Cléophas, assise à gauche, se pressent Jude, Philippe, et Jacques le Mineur, auquel Simon présente un fruit. À ces quatre enfants, A. Steinheil a ajouté André. Mais déjà le peintre-verrier du XVIe siècle avait substitué au Joseph le Juste de la légende la figure de Philippe. De même, l’époux de Marie-Cléophas, placé à l’arrière-plan, est désigné par une inscription en lettres gothiques, « DALPHEUS », contraction de « d’Alpheus ». Dans la lancette de droite, Zébédée étend la main au-dessus de Marie-Salomé et de ses deux fils Jacques le Majeur et Jean l’Évangéliste, porteurs de leurs attributs respectifs, le bourdon et le calice. À partir des indications données par les éléments d’architecture présents dans les deux panneaux supérieurs, (panneaux 4a et 4c), le restaurateur a imaginé un portique composé d’une suite de voûtes en berceau à caissons reposant sur des architraves, que supportent des colonnes corinthiennes. On peut penser que la verrière primitive accordait à sainte Anne la place que le cartonnier du XIXe siècle a donnée à Joseph. On constate le remploi de quelques pièces : le visage de Simon, dissocié de son auréole, relégué en 1884 dans le soufflet de gauche, a été remis à sa présumée place d’origine. Steinheil s’est inspiré de certaines pièces assemblées dans les soufflets, comme les jambes de saint Jean, ou le visage de Matthieu, qui surmontait en 1884 le corps de Jésus. Celui-ci fut parfaitement identifié par Steinheil, bien que déplacé dans le panneau 1a, grâce à son geste de bénédiction et les trois doigts de Marie disparue qui le retenaient par la taille. Les panneaux 1c et 1a sont entièrement de la main du restaurateur, à l’exception des jambes de Jacques le Mineur. Le visage de Joseph fut restauré par J.-J. Gruber qui s’inspira d’un fragment visible sur le cliché de 1884 (panneau 4c ; voir cliché Lesueur, vers 1919-1920, Archives départementales de Loir-et-Cher , 9 Fi 2309 P.).
Les morceaux les plus remarquables sont sans doute les visages très individualisés de Marie-Cléophas et de Marie-Salomé, qui ne suivent pas les canons raphaélesques alors même que l’emploi d’une ou de plusieurs inventions de l’atelier de Raphaël sont manifestes. Parmi les sources probables de cette « copie d’invention » (Auclair, 2010), citons la Petite Sainte Famille, aujourd’hui attribuée à Giulio Romano (Paris, musée du Louvre, 436.M R 436 Inv. 605), gravée par Caraglio (burin, 283 X 216 mm, Baron James de Rothschild, inv. 12836 LR, voir Massari, 1993, p. 62-63), et le dessin conservé à Windsor (Giulio Romano, 26,6 X 22,3 cm, Windsor, Royal Library, inv. RL 12740, voir Massari, 1993, p. 63, et Giulio Romano, Mantoue 1989, p. 251. Le Martyre de sainte Cécile d’après Raphaël, gravé par Raimondi, est la source des anges en vol (burin, H. 0, 238 ; L. 0, 403, vers 1520-25, Bartsch, 1813, XIV, p. 104, n° 117). Un tableau de Simon de Châlons, daté 1543, donc contemporain de la verrière de Cour, emprunte la même source graphique pour le même thème (La Sainte parenté, Avignon, grand séminaire, déposé au musée Calvet en 1907 ; bois, H. 1, 88m - L. 2, 68m, signé et daté en bas à gauche). Les liens de la verrière de Cour-sur-Loire avec Simon de Châlons sont à approfondir.
Sources graphiques :
Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)
Arch. phot. de la Dir. du Patr., cliché MH 6258 (avant restauration, Durand, 1884, tirage à la photothèque de la MAP, Paris, « cartons verts », vitraux, Loir-et-Cher - photomontage panneau par panneau, ap. rest, (baie E), Estève, 1950, 213 802, 804 et 805, tirage à la MAP, Paris - reproduction de ce photomontage, 55 N 72 (Graindorge, 1955).
Blois, Archives départementales de Loir-et-Cher
Fonds Lesueur, plaques de verre, s. d., vers 1919-1922, 9 Fi 2309 P.
Orléans, Inventaire du Centre
Marius Hermanowicz, 1996 : 96. 41. 17. V, 18 VA., 1996.
Sources manuscrites :
Paris, Bureau des objets mobiliers (en 1995)
Lettre de Henri Bretonneau du 22 mars 1846.
Charenton-le-Pont, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAP)
Dossier 1200 n° 1.
4° DOC 8, RAYON (E.), Inventaire des vitraux du Département de Loir-et-Cher, 1924, pl. 32 / 263 à 40 / 272.
Blois, Archives départementales de Loir-et-Cher
74 N I, enquête diocésaine, 17 mars 1846 et 11 avril 1893.
O 69 06 4, lettre sans date, sans mention de destinataire, et sans signature, dont le préfet de Loir-et-Cher reprend les termes dans sa supplique au ministre des Beaux-Arts du 4 août 1883.
O 69 06 2 et O 69 06 3 et 9 T 14, Cour-sur-Loire.
F 2137, fonds Lesueur, Dr. Frédéric LESUEUR, monographie de l’église de Cour-sur-Loire, Manuscrit. s.d., vers 1919-1922, p. 21 à 25.
Bibliographie :
Laurand Jules, « Vitraux de Cour-sur-Loire » Bulletin de la Société Archéologique de l’Orléanais, tome II, bull. n° 16, 1er trimestre, séance du 27 janvier 1854, p. 21.
Dupré Alexandre, s. d., vers 1868-69, Ms. B.M. Blois 339 11d.
Dupré Alexandre, « L’église de Cour-sur-Loire », Semaine Religieuse de Blois, 1ère année, 1871-1872, p. 798.
Mâle Émile, « Le vitrail français au XVe et au XVIe siècles », Histoire générale de l’Art, sous la dir. d'André Michel, t. IV, Paris, 1911, p. 810.
Garreau abbé L.E., Cour-sur-Loire, son église, sa châtellenie, son histoire, Paris, Honoré Champion, 1913, p. 6.
Deshoulieres François, « Cour-sur-Loire », Congrès Archéologique 1925, LVXXXVIIIe session, Paris, A. J. Picard, 1926, p. 540-541.
Pilté Edmond, Répertoire archéologique des édifices religieux du diocèse actuel de Blois et des Monuments civils du département de Loir-et-Cher à partir du Moyen Âge, Saint-Dizier, A. Bruliard, 1931, p. 90.
Aubert Marcel, Le vitrail en France, Paris, Larousse, 1946, p. 104.
Lesueur Dr. Frédéric, Les églises de Loir-et-Cher, Paris, A. J. Picard, 1969, p. 143.
The illustrated Bartsch, the works of Marcantonio Raimondi and his school, vol. 26, formerly vol. 14 (part 1), edited by K. Oberhuber, New York, 1978, p. 104, n°117.
Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire : Corpus vitrearum, France, recensement des vitraux anciens de la France, 2, sous la dir. de Louis Grodecki, Françoise Perrot et Jean Taralon, Paris, CNRS, 1981, p. 143.
Raphaël et l’art français, catalogue de l'exposition sous la dir. de Jean-Pierre Cuzin, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 15 nov. 1983 - 13 février 1984, RMN, 1983, p. 175-176, n° 220, et ill. p. 302.
Raphaël dans les collections françaises, catalogue de l'exposition sous la dir. de Sylvie Béguin et al., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 15 novembre 1983 – 13 février 1984, Paris, RMN, 1983, p. 355, n° 39.
Giulio Romano, catalogue de l'exposition sous la dir. de Ernst Hans Josef Gombrich et Sergio Polano, Mantova, Palazzo Te, Palazzo ducale, 1 sett. - 12 nov. 1989, Milano, Electa, 1989, p. 251.
Massari Stefania, Giulio Romano pinxit et delineavit, fratelli Palombi Editori, Roma 1993, p. 62-63.
Riviale Laurence, Les verrières de l’église paroissiale Saint-Vincent de Cour-sur-Loire (Loir-et-Cher), Mémoire de maîtrise d’histoire de l’art moderne, sous la dir. de Claude Mignot et Michel Hérold, Tours, Université F. Rabelais, [1996], p. 90-95 et p.133-136.
Riviale Laurence, Le vitrail en Normandie entre Renaissance et Réforme (1517-1563), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007, p. 149-155.
Kiss Imola, « Les débuts de Simon de Châlons : quelques pistes de recherche », Peindre en France à la Renaissance, sous la dir. de Frédéric Elsig, Milan, Silvana éditoriale, 2011, p. 147-164.
Kovalevsky Sophie et Léonelli Marie-Claude, Le Couronnement de la Vierge de Simon de Châlons, Arles, Actes Sud, 2015.
Sources en ligne :
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM41000175
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00098426
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Un des commanditaires de Simon de Châlons, Elzéar Genêt, fut chantre dans les chœurs des rois de France, notamment à Blois. On a souligné récemment la remarquable connaissance de l’œuvre de Raphaël de Simon de Châlons (Kovalevsky et Léonelli, 2015). On peut rapprocher cette science de celle de Michiel Coxcie (v.1499-1592), dont le Mariage de sainte Anne (ou : La sainte Parenté) daté 1540, est déjà une compilation d’inventions raphaélesques et léonardesques sur le même thème (Kunstsammlungen Stift Kremsmünster).