Art de la Renaissance en Val de Loire

inventaire, valorisation et analyse

Vitrail du musée du Berry de Bourges, Inscription de verrière incomplète

CARTEL

Artistes
Date de réalisation
Avant 1450
deuxième tiers du XVe siècle
Iconographie
  • Preuses
Matériaux
Verre, Peinture, Plomb
Lieu de conservation
  • Bourges, Centre-Val de Loire, France
    Musée du Berry Inv.D.1967.4.5.2

 

Vitrail du musée du Berry de Bourges, Inscription de verrière incomplète

PROVENANCE

Ces fragments sont issus d'une importante collection de vitraux et de rondels conservés au musée du Berry de Bourges. Recueillis dans la cathédrale Saint-Étienne par l'ancien architecte des Monuments Historiques Robert Gauchery (1884-1967), ils proviennent de la salle d'apparat de l'hôtel de l'argentier Jacques Cœur dont les baies étaient entièrement dotées de vitraux peints sur le thème des preux et des preuses, figures notoires de l'idéal chevaleresque de la fin du Moyen Âge (Chenu, 1927 ; Grodecki et Perrot, 1981 ; Hérold, 2014 et 2019). Les fragments ont été déposés au musée du Berry en 1967 (Bailly, 1998 ; Izert, 2019).

NOTICE

Peint en grisaille et jaune d'argent sur un verre blanc, ce panneau a été remonté au XXe siècle dans un verre incolore (Grodecki et Perrot, 1981). Il figure les restes d'un cartouche portant une inscription en caractères gothiques de langue française relative à l'une des Neuf Preuses, probablement Sémiramis, reine de Babylone (« [...]MIS ») (Chenu, 1927). Ce vitrail peut être rapproché de deux panneaux recomposés du musée du Berry qui portent le nom de deux autres Preuses, les reines Créuse et Ménalippe (inv. D.1967.4.5.1 ; inv. D.1967.4.5.3).

Ces inscriptions en vers rimés décasyllabes devaient accompagner à l'origine l'image d'une preuse. Selon Paul Chenu (1927), ces fragments autrefois conservés dans « une salle du pilier butant de la cathédrale de Bourges », pourraient provenir de la grande salle du rez-de-chaussée dite des Festins de l'hôtel Jacques Cœur. Son riche décor emblématique – avec les figures du cerf-volant et de la biche renvoyant à Charles VII et à la reine Marie d'Anjou –, avait été complété peu avant 1450 par des vitraux (disparus à la Révolution) qui ornaient les fenêtres donnant vers l'extérieur, à l'ouest, au nombre de deux, et vers la cour, au nombre de trois. Chaque fenêtre était divisée en six panneaux. L'ensemble formait ainsi trente panneaux où y étaient représentés, outre Jacques Cœur, les douze pairs de France et les Neuf Preux, qui figuraient auprès de Charles VII lors de la cérémonie du sacre du 17 juillet 1429, le roi à genoux s'inclinant devant Renaud de Chartres, archevêque de Reims (Salamagne, 2019). D'après le procès-verbal d'état des lieux du palais Jacques Cœur dressé le 26 février 1636 (Archives départementales du Cher, E 25 r 33, f°352, Minutes d’Yves Dugué), on y voyait précisément « trente paneaux de vistres entiers et peintz où sont représentez les douze pairs de France et plusieurs roys de la chrestienté, le tout en beau verre peint, avec leurs verges de fer, dont ils sont attachez, fenestres et volets » (Gandilhon, 1930-1931). Bien que non désignées dans le procès-verbal, les Neuf Preuses accompagnaient sans doute les images des Neuf Preux et des douze paires de France associées à la scène du sacre de Charles VII, soit un total de trente figures qui, comme l'a suggéré Paul Chenu (1927), pouvaient tout à fait garnir les trente panneaux de la grande salle signalés au XVIIe siècle. 

Pendant féminin des Neuf Preux, ces figures issues de la mythologie antique apparurent en France à la fin du XIVe siècle sous la plume de Jehan Le Fèvre, officier au Parlement de Paris et auteur renommé de son temps, qui composa entre 1373 et 1387 Le Livre de Lëesce, un ouvrage en l'honneur des femmes qu'il présenta aussi vertueuses, courageuses et audacieuses que les hommes. La première mention du thème des Neuf Preuses apparaît dans les comptes du duc de Bourgogne Philippe le Hardi pour lequel le tapissier d'Arras, Jacques Dourdin, fait « rubaner le grand tapis des Neuf Preux et Neuf Preuses » en 1389. Ces figures païennes sont généralement représentées en guerrières casquées, portant l'armure et brandissant armes et écus armoriés, à l'image d'un fragment d'une tenture des Neuf Preuses mettant en scène Penthésilée, reine mythique des Amazones, qui se rendit à Troie pour porter secours à Hector et y trouva la mort (Musée du château d'Angers, début du XVIe siècle) (Cassagnes-Brouquet, 2003 et 2007).

À la fin du Moyen Âge, le thème des femmes célèbres – preuses, sibylles, muses, vertus – connut un fort succès avec le rôle que jouèrent des femmes de pouvoir comme Anne de Bretagne, femme de Charles VIII puis de Louis XII, Anne de France, fille de Louis XI, et Louise de Savoie, mère de François Ier (Cerquiglini-Toulet, 2010).


Sources manuscrites :

Archives départementales du Cher, E 25 r 33, f°352, Minutes d’Yves Dugué, notaire à Bourges, Procès-verbal d’état des lieux du palais Jacques Cœur, le 26 février 1636.

Archives privées du château de Lignières (Cher), Procès-verbal d’état des lieux du palais Jacques Cœur, le 12 septembre 1679.

Bibliographie :

Le Vieil Pierre, L'art de la peinture sur verre et de la vitrerie, Paris, 1774, p. 34 (rééd. 1973).

Sincerus Jodocus, Voyage dans la vieille France, traduction du latin par Thalès Bernard, Paris, 1859, p. 81.

Chenu Paul, « Débris de vitraux médiévaux trouvés à Bourges et portant des inscriptions concernant des Preuses », Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, vol. 62, 1927, p. 41-49.

Gandilhon Alfred, « Un état des lieux de l’hôtel Jacques Cœur de Bourges dressé en 1636 », Bulletin philosophique et Historique, Paris, 1930-1931, p. 159.

Deshoulières François, « Vitraux de l'hôtel Jacques-Cœur à Bourges », Bulletin Monumental, t. 87, 1928, p. 394.

Grodecki Louis, Perrot Françoise, Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire : Corpus vitrearum, France, recensement des vitraux anciens de la France, 2, Paris, CNRS, 1981, p. 190.

Mérindol Christian, « Nouvelles observations sur l'hôtel de Jacques Cœur à Bourges : l'hommage au roi », Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1991, p. 202-203.

Bailly Pierre, « Les acquisitions des vitraux par les musées de Bourges », L'art du peintre-verrier : vitraux français et suisses, XVIe et XVIIe siècle, catalogue de l'exposition sous la dir. de Françoise Gatouillat et Guy-Michel Leproux, Bourges, Le Parvis des Métiers, 28 mai-28 décembre 1998, Bourges, Chambre des Métiers du Cher, 1998, p. 41-42.

Cassagnes-Brouquet Sophie, « Les Neuf Preuses, l'invention d'un nouveau thème iconographique dans le contexte de la Guerre de Cent ans », Le genre face aux mutations : Masculin et féminin, du Moyen Âge à nos jours, sous la dir. de Luc Capdevila [en ligne], Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 279-289 [https://books.openedition.org/pur/15907?lang=fr, consulté le 7 juillet 2020].

Cassagnes-Brouquet Sophie, « Penthésilée, reine des Amazones et Preuse, une image de la femme guerrière à la fin du Moyen Âge », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], n°20, 2004, [http://journals.openedition.org/clio/1400, consulté le 07 juillet 2020].

Cerquiglini-Toulet Jacqueline, « Gloire et folie. Des Dieux, des jeux et des hommes », France 1500, entre Moyen Âge et Renaissance, catalogue de l'exposition sous la dir. de Élisabeth Taburet-Delahaye, Geneviève Bresc-Bautier et Thierry Crépin-Leblond, Tours, Musée des beaux-arts, 17 mars-17 juin 2012, Paris, Somogy, Tours, Musée des beaux-arts, 2010, p. 279-280.

Hérold Michel, « À la fin du Moyen Âge, clore et orner les baies de la demeure »,Vitrail : Ve-XXIe siècle, sous la dir. de Michel Hérold et Véronique David, Paris, CNRS, 2014, p. 265.

Izert Pauline, Une étude du vitrail : le cas des rondels du musée du Berry, mémoire de Master II Sciences Humaines et Sociales, Mention Histoire de l'art, sous la dir. de Pascale Charron, Tours, université François-Rabelais, [2019], p. 6 (vol. 1), p. 36 (vol. 2).

Salamagne Alain, « Le palais Jacques Cœur de Bourges », Gothique flamboyant et Renaissance en Berry. Congrès archéologique de France [176e session, 2017], Paris, Société française d'archéologie, Musée des monuments français, 2019, p. 228.

Hérold Michel, « Windows in Domestic Settings in France in Late Middle Ages : Enclosure and Decoration in the Social Living Space », Investigations in Medieval Stained Glass. Materials, Methods, and Expressions, sous la dir. de Brigitte Kurmann-Schwarz et Elizabeth Pastan, Leiden et Boston, Brill, 2019, p. 134.

Sources en ligne :

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/MHR24_02185452

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/AP70N00070

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMH00122086

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMH00120923

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMH00120924


Par Aurélia Cohendy Le 06.07.2020